Que fait la police ?

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Documentation des pratiques policières, et violences d'État.

Analyses et observations des logiques répressives et sécuritaires.

Libertés publiques et droits fondamentaux.

« Si tu leurs réponds, il y a outrage. Si tu résistes, il y a rébellion. Si tu prends la foule à témoin, il y a incitation à l’émeute. » Maurice Rajsfus, 2008

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Tentative de concertation, entrave à l’enquête, soutien financier… Emmanuel N. policier de la BAC d’Aulnay-sous-Bois, a pu compter sur ses collègues et sa hiérarchie après sa mise en cause dans la mort d’un livreur de 33 ans, tué d’une balle dans le cœur en mars 2022.

Le puzzle judiciaire de l’enquête sur la mort de Jean-Paul Benjamin illustre le soutien sans faille dont peut bénéficier un policier quand il est mis en cause pour avoir tué un homme. Dans le détail de la procédure et du dossier administratif de l’agent, consultés par Libération, apparaissent plusieurs preuves de l’aide fournie par le ministère de l’Intérieur à Emmanuel N. Ce brigadier, ancien de la brigade anticriminalité (BAC) d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), est aujourd’hui mis en accusation devant la cour criminelle de Seine-Saint-Denis pour des «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner». Un crime pour lequel il encourt une peine de vingt ans de prison. Le policier assure avoir tiré pour protéger sa vie et celles de personnes présentes à proximité. Il a fait appel de cette décision rendue par la juge d’instruction au début du mois de septembre.

##Le soutien reçu par Emmanuel N. après son tir mortel apparaît à tous les échelons hiérarchiques.

Le 26 mars 2022, Jean-Paul Benjamin, un livreur âgé de 33 ans, est au volant d’une camionnette à Aulnay-sous-Bois. Le véhicule qu’il conduit a été déclaré volé quelques heures plus tôt par le responsable d’une entreprise qui l’emploie, à la suite d’un conflit pour des factures impayées entre les deux hommes. Dans l’après-midi, un équipage de la BAC repère le véhicule et veut le contrôler. Emmanuel N., en civil et sans brassard, s’avance seul vers la camionnette conduite Jean-Paul Benjamin alors qu’il est arrêté à un feu rouge. Au moment où le conducteur redémarre, Emmanuel N. fait feu. Selon l’exploitation des images d’une caméra de vidéosurveillance et les conclusions de l’expertise balistique, il n’était pas menacé par le véhicule. Le policier était positionné sur le côté gauche, proche de la portière du conducteur. Son tir, réalisé légèrement par l’arrière, touche Jean-Paul Benjamin au niveau du cœur.

##«On part sur un tir accidentel»

Dès les premiers instants suivant les faits, la hiérarchie directe d’Emmanuel N. est intervenue pour peser sur le déroulement de la procédure, selon les déclarations faites par l’agent devant le juge d’instruction. Dans un interrogatoire, daté d’avril 2023, Emmanuel N. raconte qu’un commandant et une commissaire sont intervenus avant ses premières auditions par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour lui souffler une version sur laquelle s’accorder.

La première intervention apparaît alors qu’Emmanuel N. est encore présent sur les lieux où le véhicule conduit par Jean-Paul Benjamin s’est arrêté. Le policier est dans le camion des pompiers quand le commandant François Z. monte à l’intérieur pour lui parler avant son départ à l’hôpital. «Quand le VSAV [véhicule de secours, ndlr] me prend en charge et que je suis en état de choc, la première chose que dit le commandant [François Z.] en montant dans le camion, c’est “on part sur un tir accidentel”.»

Toujours selon le récit fait par le policier, c’est ensuite sa commissaire, Pauline Lukaszewicz, aujourd’hui à la tête de police judiciaire de Creil, dans l’Oise, qui, quelques heures plus tard, se déplace à l’hôpital où se trouve Emmanuel N. pour lui proposer cette même version. «La deuxième fois où on me dit ça, c’est la commissaire Lukaszewicz qui, en arrivant à l’hôpital dans l’entrée des urgences, me dit “Manu, on part sur un tir accidentel”.» A cet instant, le policier n’a toujours pas été entendu par les enquêteurs sur les circonstances de son tir. Contactée à ce sujet, la commissaire Lukaszewicz n’a pas répondu.

Emmanuel N. sera placé en garde à vue quatre jours plus tard. Des collègues de l’agent vont par ailleurs s’empresser de vider son casier personnel au commissariat d’Aulnay-sous-Bois, comme cela avait été révélé par Mediapart, avant le passage des enquêteurs de l’IGPN. La femme d’Emmanuel N. avait expliqué dans une audition que le casier, fermé par un cadenas, avait été vidé des affaires du brigadier pour «éviter que quelqu’un ne les vole».

##Une suspension «à plein traitement»

A l’issue de sa garde à vue, Emmanuel N. est mis en examen le 1er avril 2022. Les juges d’instruction saisissent le juge de la liberté et de la détention en vue de son placement en détention provisoire. Pour tenter de lui éviter l’incarcération, son avocat de l’époque assure que le policier a «toujours le soutien de ses collègues et de sa hiérarchie», selon le procès-verbal du débat contradictoire. Le juge décide finalement de placer le policier sous contrôle judiciaire avec une interdiction d’exercer la fonction de policier.

Le «soutien» évoqué par le conseil du policier va se matérialiser financièrement dès le lendemain. Le 2 avril 2022, alors qu’Emmanuel N. ne peut plus travailler du fait de son contrôle judiciaire, le ministère de l’Intérieur va décider de le suspendre. Cette décision n’a qu’un seul effet : elle permet à l’agent de ne pas se trouver en situation d’absence de service fait, et donc de continuer à percevoir un salaire. L’arrêté de suspension dit «à plein traitement» est signé par Simon Babre, au nom du ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérald Darmanin. Ce préfet, alors directeur des ressources et des compétences de la police nationale, est aujourd’hui le conseiller intérieur du Premier ministre, Michel Barnier. Contacté pour connaître les raisons qui ont justifié cette mesure de bienveillance à l’égard d’un policier mis en examen pour une infraction criminelle, Simon Babre n’a pas donné suite.

Un peu plus d’un an plus tard, Emmanuel N. obtient une modification partielle de son contrôle judiciaire. En mai 2023, pour convaincre la juge d’instruction qu’il peut travailler à nouveau comme policier, les avocats d’Emmanuel N. mettent en avant les engagements de deux commissaires différents à lui trouver un poste compatible avec une interdiction plus souple qui viserait seulement l’exercice sur la voie publique. Le policier reprend son travail dans le département voisin de Seine-et-Marne. Il est affecté à la sûreté départementale, un service de police judiciaire. Dans l’attente de son procès, Emmanuel N. peut donc mener des auditions, constater des infractions et prendre part à des enquêtes criminelles.

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Rapport complet :

https://ldh-midi-pyrenees.org/2024/09/rapport-de-la-commission-denquete-sur-les-atteintes-aux-droits-lors-des-operations-de-police-et-de-gendarmerie-contre-les-opposant%c2%b7es-a-la69-en-fevrier-et-mars-2024/

Un vieil opposant considère que ce sont des méthodes de guerre à l’encontre de civils. Le rapport, à chaque fois, précise le contexte, les lieux, les témoignages. Il décrit les abus et tricheries des forces de l’ordre comme lorsque J. donne un coup d’épaule contre un bouclier ce qui lui vaut, deux mois plus tard, une arrestation à son domicile à 7 heures du matin, violenté (trois fractures au visage, genou fracassé au sol). Il croit à une erreur, mais il est accusé d’avoir renversé le gendarme qui a obtenu 45 jours d’ITT ! J. est condamné à dix mois de prison avec sursis.

« Depuis un mois, les agents de sécurité de la Cimenterie viennent nous harceler le week-end, peut-être parce que nous sommes plus nombreux. Le week-end dernier ils ont caillassé des chiens qui appartenaient à des gens de la ZAD. Les week-ends précédents, c’étaient des insultes verbales homophobes, des chants militaires allemands, des jets de lumière et lasers. Un cap a été franchi dans la nuit de vendredi à samedi 23 mars, 6 à 7 agents de la sécurité de la Cimenterie étaient présents avec B., chef de la milice, qui disait “il faut tenir la ligne” à plusieurs reprises en exhortant ses gars. En plus des insultes homophobes, sexistes et racistes habituelles, nous avons reçus des jets de pierres, menaces de mort et incendie. »

###Menaces et violences à caractère fasciste

« J’ai carte blanche, on va vous rafler un par un, vous allez tous y passer… » prononcé une dizaine de fois.  « J’ai cent litres d’essence, y’en aura pour tout le monde. » « On va sortir le 9 mm. » « Vous dormirez plus, c’est la guerre. » «ATOSCA avait besoin de chiens de garde, c’est nous» «On va tous vous rôtir et on enculera vos daronnes.»

À une écureuille, des menaces de viol « J’vais venir te violer dans ton arbre salope, tu vas goûter ma bite. » Aux zadistes, des insultes homophobes «Enculé, sale PD»

###[Dimanche 18/02]

« Les insultes à une femme : “Je vais m’occuper de toi ! … éjaculer dans ta bouche ! […] Non, t’es trop sale, je passerai par derrière…”  Ils ont dit : “Descendez, on va venir s’occuper de vous […] Pourquoi, tu descends pas ? T’as peur ?”  Cette nuit-là, des CRS ont dit… “On est là pour votre sécurité”. » Non seulement les filles sont visées dans les menaces de viol, mais les insultes les désignent : « “J’ai le rouge à lèvre de ta mère sur ma bite.” “Je suis pour la liberté d’expression, je frappe ma femme et je viole ma fille.”

Et à une écureille qui lui répond “ma mère est morte” : le gendarme lui répond : “heureusement pour elle, elle se serait suicidée en voyant sa fille”. Et suite à des remarques sur sa vulgarité : “Je suis un robot…… Je ne pense pas…” Répété pendant plusieurs minutes. Pour les garçons, c’est le traditionnel : “fils de pute”, “Si t’essaie de t’échapper, je t’explose la gueule petite pute” m’a-t-il dit. »

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